« L’oraison mentale n’est à mon avis,
qu’un commerce intime d’amitié
où l’on s’entretient souvent seul à seul
avec ce Dieu dont on se sait aimé. »
Ste Thérèse d’Avila (Vie chap. 7)
D’emblée il faut constater que l’oraison est une réalité spirituelle complexe, difficile à saisir. Elle est de l’ordre de la foi et de l’expérience et varie selon les personnes.
Pour Ste Thérèse, toute prière personnelle faite dans le silence où l’esprit et le cœur s’occupent directement de Dieu s’appelle oraison. Mais Ste Thérèse considérera aussi comme faisant partie de l’oraison toute prière vocale où l’esprit et le cœur s’occupent :
Chercher et demeurer dans la compagnie du Christ, telle est l’idée fondamentale que Thérèse se fait de l’oraison.
« Je tâchais autant que possible de vivre en gardant en moi la présence de Jésus-Christ, notre Bien et Seigneur et c’était là mon mode d’oraison. »
Ste Thérèse d’Avila (Vie chap. 4 §7)
Le recueillement est la manière de prier qui a si bien réussi à Ste Thérèse dans les débuts. On peut y distinguer trois étapes :
C’est l’effort par lequel nous amenons nos sens et notre esprit à ne plus s’occuper du monde extérieur afin qu’ils se rendent disponibles pour entrer en contact direct avec Dieu.
Pour se recueillir, surtout dans les débuts, il convient de rechercher le silence et la solitude.
Une fois les sens extérieurs apaisés, nous serons vite assaillis par un monde intérieur de pensées et de sentiments les plus divers.
Ste Thérèse nous conseille alors d’abandonner au Seigneur toutes ces pensées et ces sentiments en reconnaissant notre misère et notre condition de pécheur. Puis, elle nous demande de ne nous occuper que de Lui.
« Pour prier comme il convient, vous savez ce qu’on fait tout d’abord. On examine sa conscience, on se confesse à Dieu et on fait le signe de la Croix. »
Ste Thérèse d’Avila (Chemin de Perfection chap. 26, §1)
De la qualité de ce recueillement dépendra la qualité de l’oraison.
Cette forme de recueillement est acquise par nos propres moyens. Il ne s’agit pas ici du recueillement surnaturel dans lequel Dieu nous absorbe en Lui, mais réaliser la présence vivante du Christ en soi.
« Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens. »
1 Roi 17, 1
Pour Ste Thérèse, il est primordial de prendre conscience que Dieu est là, qu’Il est à mes côtés ou en moi. Elle préfère cependant qu’on se représente le Christ au plus intime de soi car Il y demeure, en son centre comme en un château. À nous ensuite d’établir la relation personnelle, le contact direct avec le Seigneur.
Ste Thérèse nous propose de le faire par une représentation du Christ en son Humanité. Mais puisqu’elle-même est incapable d’utiliser son imagination à cet effet, la représentation intérieure qu’elle nous propose est de l’ordre de la foi, d’une foi vive qui perçoit, sans voir, la Présence du Christ.
« Figurez-vous quelqu’un qui est aveugle, ou qui est dans l’obscurité. Il parle à une personne. Il sait qu’il est en sa présence, parce qu’il a la certitude qu’elle est là ; il comprend, il croit qu’elle est là mais il ne la voit pas. »
Ste Thérèse d’Avila (Vie chap. 9, §6)
« Je ne vous demande qu’une chose : le regarder. »
Ste Thérèse d’Avila (Chemin de Perfection chap. 26, §1)
« Lui ne vous perd jamais de vue. »
Ste Thérèse d’Avila (Chemin de Perfection chap. 26, §3)
Le regard revêt une signification particulièrement importante pour Ste Thérèse. C’est dans cet échange de regards que s’exprime la relation personnelle. Ce regard est théologal : c’est un acte de foi, animé par l’amour et tendu vers le désir, l’espérance d’être uni à Dieu.
« Dieu et l’âme se comprennent, sans autre artifice, ces deux amis se communiquent leur amour mutuel. Comme ici-bas deux personnes qui s’aiment beaucoup et se comprennent bien semblent s’entendre sans échanger un signe, rien qu’en se regardant. »
Ste Thérèse d’Avila (VIe chap. 27, §10)
Ste Thérèse nous conseille de tout mettre en œuvre pour garder un contact vivant avec le Christ et maintenir notre relation d’amour avec Lui.
« Tout ce qui vous incitera
à aimer davantage, faites-le. »
Ste Thérèse d’Avila (4e Demeure chap. 1, §7)
Ces efforts pourront prendre la forme d’entretiens : entretien cœur à cœur, et entretien à thème évangélique.
Vient un moment où l’âme désireuse de demeurer en présence du Christ et de garder un contact intime avec Lui, rompt le silence et s’exprime en toute confiance, livrant le fond de son être.
« Nous pouvons (…) nous exercer à vivement nous éprendre de son Humanité sacrée, vivre en sa présence, lui parler, lui demander ce dont nous avons besoin, nous plaindre à lui de nos peines, nous réjouir avec lui de nos joies, et ne pas l’oublier pour autant, sans chercher des prières apprêtées, mais des mots conformes à nos désirs et à nos besoins. »
Ste Thérèse d’Avila (Vie chap. 12, §2)
« Il est bon de s’arrêter un moment pour méditer sur le mystère du Christ (…), de penser aux peines qu’Il a subies, pour quoi Il les a subies, qui était Celui qui les a subies et avec quel amour Il les a endurées. »
Ste Thérèse d’Avila (Vie chap. 13, §22)
« …ne nous fatiguons pas
à ne chercher toujours que cela. »
Ste Thérèse d’Avila (Vie chap. 13, §22)
Pour arriver à garder le contact vivant avec le Christ ou pour y revenir Ste Thérèse nous suggère quelques petits moyens :
Bien que Ste Thérèse nous ait laissé des suggestions très concrètes pour nous aider à faire oraison, elle n’a pas développé de « méthode d’oraison ». C’est le Seigneur seul qui en est le maître d’œuvre. Ainsi donc, ce qui caractérise sa manière de faire oraison, c'est plutôt l’extrême souplesse qui laisse à chacun la plus grande liberté.
Pour Ste Thérèse, l’essentiel est que nous restions « éveillé à l’amour ».
Pour calmer l’inquiétude des débutants et encourager à la persévérance tous ceux « qui ont commencé depuis longtemps » mais qui sont « persuadés » de perdre leur temps elle précise que c’est à ce moment-là « que la volonté s’amplifie et se renforce » mais « ils ne s’en rendent pas compte »
Ste Thérèse d’Avila (Vie chap. 11, §15)
Elle reconnaît cependant que
« parfois le Seigneur vient tard, mais alors, il paie bien et il donne autant en une seule visite qu’Il a donné peu à peu en plusieurs années. »
Ste Thérèse d’Avila (Chemin de Perfection chap. 17, §2)
Pour que l’on puisse durer dans cet « entretien », Dieu dépose au plus secret de nous-même, un désir, une impatience d’avoir enfin une réponse de Lui. Et Il ne répondrait jamais ?