Esprit du Carmel –3–

ESPRIT DU CARMEL -3-

 

LES « NOTES du CARMEL »

Primauté de l’esprit contemplatif

Une expérience directe et intime de Dieu est à la base de la spiritualité du Carmel. Dès lors, avant toute Règle, et précisément afin de la pouvoir vivre lorsqu’elle sera formulée, sont postulés chez tous ceux qui désirent mener la vie du Carmel, un esprit contemplatif, ainsi qu’un profond sens de Dieu. De celui qui entend se tenir devant Dieu, aucune disposition spéciale n’est requise. En revanche, ce sens de Dieu, cette soif de demeurer en sa présence ne sont pas de ces réalités qu’une Règle ou une technique puissent faire apparaître, ni même sensiblement développer. Elle doivent préexister à la réalisation d’une vie religieuse contemplative. Dieu lui-même les a placées au cœur de l’être et les entretient sans cesse, au moyen de sa grâce et de son Esprit Saint. Voilà qui permet de saisir comment, bien qu’il ne fut pas une institution au sens occidental du terme, mais seulement lieu d’élection d’une réalité spirituelle, le Carmel ait pu pendant longtemps se perpétuer sous une forme, libre, spontanée, élémentaire, et subsister pas la seule force de « l’esprit ». Cette primauté de l’esprit, si nécessaire dans tout institut religieux, apparaît plus nécessaire encore au Carmel. Jamais une activité extérieure, quelle qu’elle soit, ni même une fidélité à la Règle, si jalouse qu’elle puisse être, ne pourront, au Carmel, prendre la place de ce qui doit en être l’âme. Nous voulons dire  ce courant divin qui sourd des profondeurs de l’être et pousse le carme à revenir sans cesse en son centre. Cette recherche de Dieu, si essentielle et si secrète, est de soi orientée vers la simplicité et vers la pauvreté spirituelles. D’instinct, celui qui cherche Dieu aspire à être délivré, désencombré de toutes choses extérieures et matérielles pour vaquer à Dieu seul, à se libérer du charnel pour accéder à la vie en esprit, pour devenir totalement spirituel. Un pareil idéal entraîne nécessairement une conception spirituelle de la vie religieuse. De fait, nulle part sans doute, autant qu’au Carmel, vie et observances demandent-elles à être vivifiées pas l’esprit. Aussi l’on comprend qu’un religieux aussi attentif aux origines du Carmel que Jean de Saint-Samson, ait pu écrire : « Je dis d’abord qu’au temps de ces premiers patriarches et instituteurs, la vie religieuse (du Carmel) était un corps fortement et excellemment animé d’esprit, ou plutôt elle était tout esprit, et esprit fervent  ». En effet, l’idéal du Carmel fut toujours, selon l’expression du même auteur « de vivre dans un état de grande pureté et de recouler en Dieu de toutes nos forces ». 

Jean de Saint-Samson réfère ici, manifestement, à l’Institution des premiers moines, ce texte hautement représentatif de l’esprit du Carmel et de sa tradition mystique la plus ancienne et la plus pure. On y lit ces lignes, par lesquelles l’auteur entend caractériser la vie des premiers ermites du Carmel :

« Cette vie a une double fin : nous acquérons la première par notre travail et notre effort vertueux, la grâce divine aidant. Elle consiste à offrir à Dieu un cœur saint, exempt de toute tache actuelle de péché. Nous atteignons cette fin quand nous sommes parfaits et dans Carith, c’est-à-dire cachés dans la charité. L’autre fin de cette vie nous est communiquée par un pur don de Dieu : j’entends non seulement après la mort, mais déjà dans cette vie mortelle, goûter en quelque sorte dans son cœur et expérimenter dans son esprit la force de la Divine présence et la douceur de la gloire d’en haut. Cela s’appelle boire au torrent de la volupté divine. » 

Au Carmel, on ne doit pas, en effet, dissocier pureté de cœur et manducation des choses divines. Le plus grave danger d’illusion a toujours été de prétendre aux dons les plus élevés, dans le mépris ou la méconnaissance de la purification à subir. L’écueil est d’ailleurs aussi redoutable de vivre pour elle-même une haute perfection, sans aspirer à recevoir communication de la vie divine. La spiritualité du Carmel est faite d’un équilibre surnaturel que peut seul procurer un recours habituel à l’esprit, dans l’humilité du cœur. Si le Carmel considère sans étonnement ni pessimisme la faiblesse de ses enfants, parce qu’intrépides, il s’appuie sur l’abondance des miséricordes divines ; il est sans pitié pour l’ombre la plus légère qui effleure l’âme. N’est point spirituel celui qui entretient volontairement quelque vaine attache en son cœur; mais, que serait une pureté sans fécondité spirituelle, un dépouillement sans amour ? De fait le primat théologal permet à l’esprit carmélitain de ne pas dévier dans la poursuite de sa double fin. S’il aspire à aimer de l’amour même de Dieu, c’est parce qu’il est ferme dans son espérance, résolu dans sa foi, docile en toutes choses aux appels de l’Esprit Saint; c’est qu’il dépend de Dieu seul.

Paul-Marie de la Croix o.c.d.
« L'Esprit du Carmel »
Éditions du Carmel, Collection ExistenCiel, 2001

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