V.
Seigneur, ouvre mes lèvres.
R. Et ma bouche publiera ta louange.
V.
Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit.
R. Seigneur, à notre secours.
Unique berger, ô Jésus,
ta main se pose sur l'épaule de cet homme :
par lui tu mènes ton troupeau :
Ce berger, à ton image, tu le façonnes.
Sans cesse ta main l'affermit
pour qu'il chemine dans la force et la patience ;
et lui s'efface devant toi :
pur reflet, parmi ses frères, de ta présence.
L'Église de toi l'a reçu,
il passe en tête pour marcher vers les montagnes :
vers toi, la Tête, ô Jésus,
il oriente tout le peuple qui l'accompagne.
Vers toi il aimante l'amour
de ceux qui l'aiment, et lui-même à toi se donne ;
tu le consacres dans l'Esprit,
et déjà, de ta lumière tu l'environnes.
Frères, qui pourra nous séparer de l?amour du Christ ? la détresse ? l?angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le supplice ? L'Écriture dit en effet : C'est pour toi qu'on nous massacre sans arrêt, on nous prend pour des moutons d'abattoir. Oui, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J'en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l'avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur.
Vous entendez dire souvent que nous vivons un temps merveilleux, un temps de grands hommes, de grandes femmes. Ce serait probablement mieux de dire que nous vivons à une époque de décadence dans laquelle beaucoup, cependant, sentent le besoin de réagir et de défendre ce qui est le plus précieux et sacré. Il est facile de comprendre pourquoi on souhaite que se lève un chef fort et capable. Mais nous le voulons pour lutter pour une cause sainte, pour un idéal fondé sur les desseins divins et non pas simplement sur les forces humaines.
Cette espèce de néo-paganisme considère toute la nature comme une émanation du divin ; c'est sous cet angle qu'il regarde les différentes races et peuples de la terre. Or, comme une étoile diffère d'une autre étoile par sa lumière et son éclat, ainsi estime-t-il une race plus noble et plus pure qu'une autre. Et plus cette race contient en elle de lumière, plus elle est tenue au devoir de propager sa lumière et d'éclairer le monde. Ils soutiennent que cela ne peut se réaliser que si cette race se libère de toute tache en éliminant les éléments qui lui sont étrangers. De là vient le culte de la race et du sang, le culte des héros de son propre peuple.
Partant d'une idée aussi erronée, cette manière de voir peut conduire à des erreurs capitales. Il est triste de voir combien d'enthousiasme, combien d'efforts sont mis au service d'un tel idéal faux et sans fondement ! Cependant « nous pouvons apprendre de notre ennemi » ; de sa philosophie fausse nous pouvons apprendre comment purifier notre propre idéal et l'améliorer ; nous pouvons apprendre comment développer un grand amour pour lui ; comment susciter un grand enthousiasme, et même une disponibilité à vivre et mourir pour lui ; comment affermir le courage pour l'incarner en nous-mêmes et dans les autres.
Nous aussi, nous professons que nous venons de Dieu. Nous aussi, nous voulons ce qu'il veut. Mais loin de nous d'accepter l'idéal que nous émanons du divin ; nous ne nous divinisons pas nous-mêmes. Nous disons avec raison que nous venons de Dieu mais en dépendant de lui. Quand nous parlons de la venue du Règne et que nous prions pour qu'il vienne, nous ne pensons pas à une discrimination de par la race ou par le sang, mais à la fraternité de tous les hommes, puisque tous les hommes sont nos frères ? sans exclure ceux-là mêmes qui nous haïssent et nous attaquent ? dans un lien étroit avec celui qui fait se lever le soleil sur les bons comme sur les méchants.
Nous ne voulons pas retomber dans le péché d'un autre paradis terrestre, dans le péché de nous faire nous-mêmes égaux à Dieu. Nous ne voulons pas établir un culte des héros basé sur une transformation du genre humain en une divinité.
Nous reconnaissons la loi de Dieu et nous nous soumettons à elle. Nous ne voulons pas ? par une connaissance malsaine et troublante de nous-mêmes ? échapper à notre dépendance vis-à-vis de l'Etre suprême qui nous donne l'existence. Cependant, même lorsque nous reconnaissons la loi de Dieu en nous-mêmes, nous remarquons aussi une autre loi, qui cherche à l'emporter en nous contre l'Esprit de Dieu. Quelquefois naît en nous ce désir, comme il est arrivé à saint Paul, et nous en faisons l'expérience : il nous est difficile de reconnaître l'imperfection de notre nature et sa contradiction intime. Nous voulons certes être meilleurs, avec notre propre talent, avec notre propre génie. Et quelquefois nous pensons même que nous sommes déjà ce que nous voudrions être.
Dans nos meilleurs moments, cependant, nous reconnaissons combien nous sommes imparfaits, et en même temps nous comprenons que nous devons progresser. Nous sommes franchement convaincus que nous pourrions le faire si nous avions davantage de courage, car rien ne s'accomplit sans effort, sans lutte. Dans nos meilleurs moments, nous ne versons plus de larmes sur nos faiblesses ou sur celles des autres, mais nous nous rappelons ce qui fut dit intérieurement à saint Paul : « Ma grâce te suffit ». Uni à moi, tu peux tout.
Nous vivons dans un monde où l'amour lui-même est condamné : on l'appelle faiblesse, chose à dépasser. Certains disent : l'amour n'a pas d'importance, il faut plutôt développer ses forces ; que chacun devienne aussi fort qu'il le peut ; et que le faible périsse. Ils disent encore que la religion chrétienne avec ses sermons sur l'amour, c'est du passé, et qu'il faut la remplacer par l'antique force germanique. C'est ainsi : ils viennent à vous avec ces doctrines et ils trouvent même des gens qui volontairement les adoptent. L'amour est inconnu : « l'amour n'est pas aimé », disait en son temps saint François d'Assise ; et quelques siècles plus tard à Florence, sainte Marie-Madeleine de Pazzi sonnait les cloches du monastère de son Carmel pour que le monde sache combien beau est l'amour ! Moi aussi je voudrais sonner les cloches pour dire au monde comme il est beau d'aimer !
Le néo-paganisme a beau répudier l'amour, l'histoire nous enseigne que, malgré tout, nous serons vainqueurs de ce néo-paganisme par l'amour. Nous n'abandonnerons pas l'amour. L'amour nous regagnera les c?urs de ces païens. La nature est plus forte que la philosophie. Qu'une philosophie condamne et rejette l'amour et l'appelle faiblesse, le témoignage vivant d'amour renouvellera toujours sa puissance pour conquérir et captiver les c?urs des hommes.
(Intentions libres et personnelles)